Retirer des espèces plus facilement chez les commerçants : bientôt possible ?

par | Août 6, 2025 | Ressources scolaires | 0 commentaires

Alors que l’accès aux espèces devient un enjeu majeur dans de nombreux territoires, une petite révolution se prépare dans le paysage bancaire français. D’ici 2026, retirer de l’argent liquide directement chez son commerçant de proximité, sans obligation d’achat, deviendra une réalité pour tous les détenteurs d’une carte bancaire CB. Cette mesure vise à compenser la disparition progressive des distributeurs automatiques de billets en s’appuyant sur un réseau déjà existant mais jusqu’ici limité : les points d’accès privatifs aux espèces.

L’essor des points d’accès privatifs aux espèces

Face à la raréfaction des guichets automatiques, une alternative gagne du terrain : les points d’accès privatifs. Ces services, souvent désignés par le terme anglophone cash-in-shop, permettent de retirer de l’argent liquide directement auprès de commerçants partenaires. Loin d’être une nouveauté, ce système est déjà bien implanté mais reste encore confidentiel car son usage est restreint.

Qu’est-ce qu’un point d’accès privatif ?

Il s’agit d’un service de retrait d’espèces proposé par des commerces de la vie quotidienne comme une boulangerie, une épicerie, un buraliste ou un fleuriste. Le client peut y retirer une somme d’argent sans être obligé d’effectuer un achat. La principale contrainte, qui sera bientôt levée, est que le client doit détenir un compte dans le même établissement bancaire que celui du commerçant. Fin 2023, la Banque de France recensait déjà plus de 27 000 points de ce type en France métropolitaine, un chiffre en constante augmentation.

Les réseaux existants en France

Plusieurs grands groupes bancaires ont déjà déployé leurs propres réseaux pour mailler le territoire, en particulier dans les zones rurales ou moins denses. On dénombre aujourd’hui quatre principaux acteurs :

  • Les points Nickel, gérés par BNP Paribas et très présents chez les buralistes.
  • Les relais CA du Crédit Agricole, qui s’appuient sur un large réseau de commerces de proximité.
  • Les points relais du Crédit Mutuel, qui fonctionnent sur un modèle similaire.
  • Le réseau de La Banque Postale, incluant les agences postales et les relais poste commerçants.

Ces initiatives ont permis de maintenir un service essentiel là où les infrastructures bancaires traditionnelles se retiraient. L’existence de ce maillage dense est précisément ce qui rend possible l’élargissement du service à l’ensemble des usagers.

Cette montée en puissance des solutions alternatives est une conséquence directe d’une tendance de fond : la diminution constante du nombre de distributeurs automatiques sur le territoire.

Pourquoi les distributeurs automatiques de billets se raréfient

Pourquoi les distributeurs automatiques de billets se raréfient

Le paysage français a vu le nombre de distributeurs automatiques de billets (DAB) chuter de manière significative ces dernières années. Fin 2023, on en comptait à peine plus de 44 000, soit une baisse de près de 5 % en un an. Cette tendance n’est pas le fruit du hasard mais la résultante de plusieurs facteurs économiques et sociétaux.

Des coûts d’exploitation prohibitifs

Un distributeur automatique représente une charge financière considérable pour les banques. Entre les frais de location de l’emplacement, la maintenance technique, le transport sécurisé des fonds et les mises à jour logicielles, la facture est élevée. Dans un contexte de recherche de rentabilité, les établissements bancaires ferment en priorité les automates les moins utilisés, qui se situent souvent dans les communes rurales ou les quartiers périphériques, créant ainsi des « déserts de cash ».

L’évolution des moyens de paiement

La transformation numérique a bouleversé nos habitudes. Le paiement sans contact, les virements instantanés et les applications de paiement mobile ont fortement réduit le recours à l’argent liquide pour les transactions quotidiennes. Si les espèces restent indispensables pour une partie de la population, la baisse globale de leur utilisation rend l’entretien d’un parc de DAB aussi étendu qu’auparavant moins pertinent d’un point de vue stratégique pour les banques.

Évolution comparée du nombre de points d’accès aux espèces (France métropolitaine)

Type de point d’accès Fin 2022 Fin 2023 Évolution
Distributeurs Automatiques de Billets (DAB) 46 248 44 123 -4,6 %
Points d’accès privatifs (commerçants) 26 965 27 418 +1,7 %

Cette mutation du paysage bancaire pousse donc à trouver des solutions plus agiles et moins coûteuses, comme le retrait chez les commerçants, dont le fonctionnement est simple mais encore méconnu.

Comprendre le fonctionnement des cash-in-shop

Le retrait d’espèces chez un commerçant, ou « cash-in-shop », repose sur une technologie déjà existante : le terminal de paiement électronique (TPE). Le processus est pensé pour être aussi simple et sécurisé qu’un retrait à un distributeur classique, mais avec une interaction humaine.

Un processus simple et sécurisé

Concrètement, le client qui souhaite retirer de l’argent se présente chez un commerçant proposant le service. Il lui suffit d’indiquer le montant désiré. Le fonctionnement est alors le suivant :

  1. Le client insère sa carte bancaire dans le TPE du commerçant.
  2. Il compose son code confidentiel à 4 chiffres, comme pour un paiement classique.
  3. Le terminal effectue une demande d’autorisation auprès de la banque du client pour vérifier la provision du compte.
  4. Une fois la transaction validée, le commerçant remet la somme demandée en espèces au client, directement depuis sa caisse.

Le client reçoit un ticket de retrait, tout comme il recevrait un ticket de paiement. Pour le commerçant, l’opération est créditée sur son compte professionnel, comme une vente classique par carte.

La différence avec le « cashback »

Nous vous recommandons de ne pas confondre ce service avec le « cashback », qui est déjà autorisé en France depuis plusieurs années. Le cashback traditionnel est conditionné à un achat. Par exemple, un client peut payer un article de 15 euros et demander à être débité de 40 euros pour récupérer 25 euros en espèces. Le service qui sera généralisé en 2026 est différent : il permettra le retrait d’espèces sans aucune obligation d’achat, transformant le commerçant en un véritable point de service financier de proximité.

Cette distinction est fondamentale, car elle ouvre la porte à une universalisation du service pour tous les citoyens, quel que soit leur établissement bancaire.

L’ouverture à tous les détenteurs de carte bancaire

La véritable innovation annoncée pour 2026 est la fin de l’exclusivité bancaire. Sous l’impulsion du Groupement des Cartes Bancaires (GIE CB), les réseaux de points de retrait privatifs ne seront plus réservés aux seuls clients de la banque du commerçant. Cette ouverture promet de démocratiser l’accès aux espèces sur tout le territoire.

Une initiative pour l’inclusion financière

L’objectif affiché par le GIE CB est clair : « parfaire l’accessibilité aux espèces ». En rendant les réseaux existants interopérables, on garantit qu’un client de n’importe quelle banque française puisse retirer de l’argent chez n’importe quel commerçant participant, peu importe la banque de ce dernier. Cette mesure est cruciale pour lutter contre la fracture territoriale et assurer que les citoyens des zones rurales ou peu denses conservent un accès facile et rapide au numéraire.

Un déploiement progressif à partir de 2026

La mise en place de cette interopérabilité est un projet technique complexe qui nécessite des adaptations sur les terminaux de paiement et les systèmes informatiques des banques. Le déploiement se fera donc de manière progressive. Selon les annonces, les premières phases de test et d’ouverture devraient débuter au cours du premier semestre 2026. Le service sera basé sur le volontariat, tant pour les réseaux bancaires que pour les commerçants, qui resteront libres de proposer ou non cette prestation.

Les premiers établissements à s’engager dans cette voie sont déjà connus et leur profil n’est pas anodin, compte tenu de leur implantation historique sur le territoire.

Les premières banques à adopter ce changement

L’universalisation du retrait d’espèces chez les commerçants ne se fera pas en un jour. Elle dépend de l’adhésion des acteurs bancaires. Pour lancer la dynamique, deux poids lourds du secteur ont déjà annoncé leur participation active au projet, signalant une volonté forte de faire aboutir cette transformation.

Le Crédit Agricole et La Banque Postale en première ligne

Ce sont le Crédit Agricole et La Banque Postale qui ouvriront le bal. Ces deux groupes bancaires seront les premiers à rendre leurs réseaux de points d’accès privatifs interopérables dès 2026. Ce choix est stratégique : ces deux banques disposent du maillage territorial le plus dense, notamment en zone rurale, grâce à leurs agences locales et leurs partenariats historiques. Leur participation garantit d’emblée une couverture géographique très large et donne une crédibilité immédiate au projet. Pour elles, c’est aussi un moyen de renforcer leur image de banques de proximité et de service public.

Un modèle ouvert aux autres établissements

Si ces deux acteurs sont pionniers, le système est conçu pour être ouvert. D’autres banques pourront rejoindre le dispositif par la suite. L’enjeu pour le GIE CB est de créer un standard technique et un modèle économique qui incitent l’ensemble des banques françaises à participer. L’adhésion d’autres grands réseaux comme BNP Paribas (via Nickel) ou le Crédit Mutuel est attendue pour que le service atteigne sa pleine mesure et offre une solution véritablement universelle.

Cette nouvelle offre de service aura bien sûr des répercussions concrètes, à la fois pour les commerçants qui la proposeront et pour les usagers qui en bénéficieront.

Impact sur les commerçants et les utilisateurs

Impact sur les commerçants et les utilisateurs

La généralisation du retrait d’espèces chez les commerçants va redéfinir les relations entre les usagers, les commerces de proximité et les services financiers. Cette évolution comporte son lot d’avantages et de défis pour chaque partie prenante.

Pour les commerçants : opportunités et contraintes

Proposer ce service ne sera pas neutre pour un commerçant. Il y trouvera plusieurs avantages potentiels :

  • Génération de trafic : un point de retrait attire des clients potentiels qui n’auraient peut-être pas franchi la porte du magasin.
  • Revenus additionnels : une commission, même modeste, pourrait être versée par les banques pour chaque transaction, créant une nouvelle source de revenus.
  • Gestion de la caisse : le service permet d’écouler plus facilement l’excédent d’espèces accumulé durant la journée, réduisant les risques liés au stockage et les frais de dépôt à la banque.

Cependant, des contraintes existent. Le commerçant devra s’assurer d’avoir suffisamment de liquidités dans sa caisse pour répondre à la demande. Il devra également consacrer du temps à ces opérations, ce qui pourrait ralentir le service pour les autres clients. La question de la sécurité et de la gestion des plafonds de retrait sera également centrale.

Pour les utilisateurs : proximité et nouvelles règles

Pour le citoyen, le bénéfice principal est évident : un accès facilité et de proximité aux espèces, surtout là où les DAB ont disparu. Ce service apportera une solution pratique et rapide. Toutefois, son usage sera encadré. Des plafonds de retrait, probablement inférieurs à ceux des DAB, seront fixés par chaque commerçant en fonction de sa trésorerie disponible. De plus, si le service en lui-même sera gratuit pour le client, des frais bancaires pourraient s’appliquer, similaires à ceux d’un retrait dans un distributeur d’une autre banque. Il appartiendra à chaque usager de vérifier les conditions tarifaires de son propre contrat bancaire.

La mise en place de ce service marque une adaptation pragmatique du système financier à la réalité du terrain. Elle illustre comment la collaboration entre banques et commerces de proximité peut répondre efficacement à un besoin essentiel, celui de l’accès à l’argent liquide pour tous. En s’appuyant sur les réseaux existants pour créer un service universel, cette initiative renforce l’inclusion financière tout en offrant un nouveau souffle aux commerces locaux. C’est une transformation silencieuse mais profonde de notre rapport à l’argent au quotidien.